L'empathie dans la pratique de la contemplation

Contempler, c'est voir sans interpréter. Sans idée préconçue, sans jugement, sans intention particulière, ni tentative de compréhension. Il s’agit de laisser les choses venir à soi sans contrôle, dans la simplicité de leur réalité. Les pensées continuent à nous traverser mais nous renonçons à les diriger et petit à petit, elles ralentissent pour faire partie de nous. Les sages de la tradition chinoise Chan distinguaient la pensée préoccupée, la pensée calme et contemplative qu'ils appellent la non-pensée, et l'absence de pensée, qu'ils tiennent pour une illusion. Avec la non-pensée, le but était de mettre le mental au repos en devenant spectateur de la vie à l'extérieur de nous. Ainsi qu’à l'intérieur de nous.

La contemplation n'est pas une mystique

Bien-sûr, il est possible de croire qu'il est préférable comme le suggère Platon, de se détourner du « tombeau du corps » pour s’élever vers la contemplation du Vrai, du Beau et du Bien. Or, le mystique se dissout plus qu'il ne regarde, il ne contemple plus, il est au delà, dans une extase ou une vérité qui ne s'explique pas. A contrario, la contemplation ne se situe pas ailleurs que dans notre corps, elle est ancrée dans la terre. Ce n'est pas la réalité que nous abandonnons, c'est notre mental que nous lâchons pour mieux accueillir nos perceptions, sans jugement, sans analyse. Certains sages parlent de pleine conscience. Quand le soleil illumine le jardin, et réchauffe l’être, c'est ici et maintenant que cela se passe, et cette perception immédiate n'est pas dépendante du mental. C'est son interprétation par notre conscience qui est de nature mentale... En restant dans la contemplation, nous restons dans l'instant qui se déroule, indépendant de l'instant précédent, il n'y a plus d'accélération. C'est le célèbre ici et maintenant. La contemplation de la nature, cette pratique de la « non-pensée » nous enseigne à ne pas confondre perception et interprétation. Et ce regard, nous pouvons le poser de la même façon sur notre quotidien. Nous dépassons alors notre point de vue individuel, conditionné par nos expériences et la mémoire de celles-ci pour accéder à l'universel. Et quand nous arrivons à être dans cette qualité de présence, nous voyons naturellement les choses autrement. Pleinement, sereinement, ici et maintenant.

La psychologie contemplative

Au contraire de la psychologie occidentale qui cherche à évaluer l'être humain, la psychologie contemplative cherche les solutions à l'intérieur de son esprit. Née du Bouddhisme dans les années soixante, elle s'inspire du vocabulaire psychothérapeutique et cherche à aider les hommes à comprendre l'importance de l’expérience immédiate. Selon elle, il n'y a pas de concept mais uniquement des expériences personnelles. Avec des méthodes qui lui sont propres (travail avec les émotions, ancrage dans l’instant présent et recherche des qualités de présence et d’ouverture du cœur), elle ne cherche pas à analyser ou à décrire le fonctionnement de notre cerveau mais à nous restaurer notre liberté d'être. Car elle est justement fondée sur la reconnaissance de la santé fondamentale qui nous habite, au-delà des conditionnements et des illusions.

Elle s’adresse tout particulièrement aux personnes dont le métier amène à être en contact avec les autres (thérapeutes, travailleurs sociaux, enseignants, etc...), mais également à toutes celles qui désirent développer une connaissance du fonctionnement de leur esprit grâce à la pratique de la méditation et de la contemplation. Selon son créateur, le maître tibétain Chögyam Trungpa Rinpoche, nous possédons effectivement tous cette santé, ce qu'il appelle la santé fondamentale. Simplement elle est brouillée par les constructions de l'égo au cours de nos vies. Le chemin le plus court vers la révélation de toutes nos qualités consiste à étudier notre propre esprit. Qui est ce « je » ? D'où viennent nos pensées et où vont-elles ? Seule la pratique de la contemplation permet d’accéder à cet espace non-duel et non-conceptuel qui se situe au-delà de l'ego.

L'échange compatissant

Libérés d'un moi qui « ré-agit », l'homme appréhende la vie dans son unité. Il peut alors entrer profondément en relation avec les autres puisque l'autre n'est pas différent de lui-même. La psychologie contemplative place la relation, « l'inter-être » au centre du processus. Il s'agit de se mettre dans la peau de l'autre et d'échanger sa place avec lui. Il n'y a plus de moi séparé : le thérapeute va s'ouvrir à tout ce qui est présent : tristesse, colère, panique … C'est une approche beaucoup plus radicale que l'empathie. Il n'y a plus de distance thérapeutique et pas de conseil, puisque l'essentiel est dans l'attention. Si l'art de l'échange favorise la guérison, ce n'est pas une technique car il reste la manière la plus ordinaire de partager notre humanité. C'est une qualité de présence sans jugement acquise grâce à un entraînement à voir avec clarté la santé et la confusion en soi et chez les autres. L'expérience de la joie et de la liberté La contemplation, comme d'autres expériences paroxystiques, permet d'accéder à une conscience plus vaste de la réalité. Cela permet aussi de ne plus voir la thérapie comme celle du moi, moi et moi, mais au contraire, d’accéder une expérience de joie et de liberté qui fait éclater les limitations émotionnelles ou mentales. La contemplation nous fait quitter la dualité pour le monde de la conscience unitive.